• Au temps que les fées étaient en si grande vénération, régnait en Célusie une princesse, qu'on nommait Prodigue, par les biens immenses qu'elle faisait à ses sujets ; elle était belle, jeune, spirituelle et riche, recherchée de tous les princes voisins, ce qui rendait sa cour la plus galante de toute l'Asie; mais ce qui en faisait un des plus grands ornements, était la princesse Modeste. Prodigue l'aimait tendrement, elle l'avait toujours avec elle, elle était de tous ses plaisirs, elle n'en pouvait avoir où elle n'était pas; ce qui obligeait tous les amants de Prodigue de faire tous leurs efforts pour être de ses amis; ce n'était que fêtes galantes auxquelles Prodigue paraissait indifférente. Un jour que le prince Ambitieux donnait un tournoi, toute la cour se plaça sur des échafauds que l'on avait dressés dans la grande place du palais. Rien n'était plus magnifique que tout ce qui parut; l'or, les perles, les diamants étaient jusque sur les harnais des chevaux, et les princes n'avaient rien épargné pour montrer leurs richesses.


    Mais à peine eut-on rompu quelques lances que les cris que l'on entendit arrêtèrent les combattants et firent tourner les yeux à toute la cour sur les barrières du camp, pour savoir qui les avaient causés; l'on vit que c'était un chevalier d'une taille admirable, dont les armes étaient d'or; ce que l'on voyait de sa casaque était bleu, brodé de perles, son casque était de même métal que ses armes, et l'on voyait au milieu de mille plumes blanches le portrait de la princesse Modeste; la même peinture était sur son écu, entourée de diamants d'une prodigieuse grosseur; le cheval sur quoi était monté ce beau chevalier était blanc comme de la neige, et tout son harnais était d'or. Rien ne put égaler la curiosité que la princesse, et toute la cour, avaient de connaître le bel inconnu. Modeste ne pouvait assez s'étonner de voir son portrait sur ses armes. Prodigue ordonna au juge du camp d'aller lui demander son nom, et ce qu'il souhaitait; à quoi il répondit qu'il s'appelait le prince Curieux, qu'il était venu pour supplier la princesse de lui permettre de soutenir contre tous les combattants.

    Les juges vinrent rendre compte de leur commission à Prodigue, qui permit avec plaisir au prince Curieux de combattre pour soutenir les charmes de son amie. Le combat recommença au premier signal; tous les princes firent voir leur valeur et leur adresse; mais enfin le prince Ambitieux étant resté le seul victorieux, il se prépara pour combattre le beau chevalier. Tout le monde fut charmé de la fierté avec laquelle il entra dans la lice, et l'on ne douta point qu'il vainquît le vainqueur des autres. L'on ne se trompa point; car après ne s'être rien fait dans la première carrière, dans la seconde, Curieux lui porta un coup de lance si furieux, au-dessous du casque, qu'il l'envoya tomber à trente pas de lui. Ses écuyers s'approchèrent de lui pour le relever, et l'emportèrent plein de rage et de confusion. Curieux se tint longtemps au bout de la carrière, pour voir si personne ne lui voudrait disputer la victoire; ce fut inutilement; ce que voyant, les juges du camp, ils descendirent de dessus leurs échafauds, et vinrent prendre le beau chevalier, pour le conduire comme victorieux à la princesse, qui lui présenta un bracelet de diamants, qui était le prix du tournoi. Il l'accepta, après avoir fait une profonde révérence, et s'étant tourné du côté de Modeste, il mit un genou en terre.


    - Puisque la princesse m'a permis de combattre pour vous, Madame, lui dit-il, elle trouvera bon que je vous présente le prix de ma victoire.


    En lui disant cela, il lui donna le bracelet de diamants. Modeste rougit, et regardant Prodigue, comme pour lui demander ce qu'elle devait faire, la princesse comprit son embarras et lui dit de l'accepter. Ce qu'elle fit d'un air assez froid. Après cela, toute la cour retourna au palais, où l'on ne parla que de la bonne mine du prince Curieux, de sa valeur, et de l'air galant avec lequel il avait fait son présent. Tous les princes vaincus par l'Ambitieux étaient ravis d'être vengés, et que ce ne fût pas par leurs rivaux. Ces louanges n'auraient pas cessé si tôt, si on ne l'eût vu entrer dans la salle avec un air si noble que tout le monde convint qu'il était incomparable de quelque manière qu'on le vît. La princesse le reçut avec une bonté extraordinaire, et l'ayant pris par la main, elle le présenta à Modeste

    - Recevez ce chevalier, lui dit-elle, je vous en conjure, comme le seul digne de vous servir.

    Curieux ne répondit que par une profonde révérence, et se jetant à genoux devant Modeste:

    - Serez-vous assez cruelle, Madame, pour refuser la grâce que la princesse vous demande pour moi avec tant de bonté, et ne me sera-t-il pas permis de me nommer votre chevalier`?

    - La princesse est si absolue sur mes volontés, reprit Modeste sans regarder Curieux, que, dès qu'elle parlera, je suis toujours prête d'obéir.

    Après cela, elle lui présenta la main pour le relever.

    Le reste de la journée se passa à parler de ceux qui avaient bien ou mal combattu ; la princesse, en se retirant, dit qu'elle voulait aller le jour suivant à la chasse, et fit un ordre que tout le monde reçut avec plaisir.

    Dès le point du jour, tous les équipages furent prêts, le bruit des cors réveilla Modeste; elle ordonna à ses femmes de lui apporter un habit de chasse qu'elle s'était fait faire il n'y avait pas longtemps; mais elles furent étonnées de ne le trouver plus, et d'en voir un à la place, d'un velours couleur de feu, dont tous les boutons étaient de diamants. Elles coururent toutes surprises dans la chambre de la princesse Modeste, elles ne la surprirent pas moins qu'elles l'avaient été, en lui montrant cet habillement magnifique ; elle fut longtemps incertaine de ce qu'elle devait faire, mais l'heure pressant de partir, elle se fit habiller et parut aux yeux de la princesse d'un air si brillant qu'elle éblouit tout le monde.


    Prodigue la loua beaucoup, et Modeste s'étant approchée d'elle, lui conta son aventure, où ni l'une ni l'autre ne purent rien comprendre. Leur surprise augmenta de beaucoup quand la princesse, étant descendue de sa chambre pour monter à cheval, elles trouvèrent le prince Curieux au bas de l'escalier, vêtu d'un même habit; elles reculèrent quelques pas, et Prodigue s'étant tournée du côté de Modeste: « Il y a de l'enchantement dans cette aventure», lui dit-elle; en même temps, le prince Ambitieux s'étant avancé pour lui donner la main, et Curieux ayant rendu le même service à Modeste, elles montèrent à cheval.


    Le jour était beau, et il semblait que le gibier qu'on chassait, ne se défendait que pour donner du plaisir aux dames. La journée se passa le plus agréablement du monde, et on ne rentra au palais que quand la nuit y contraignit. Ce ne fut pas sans avoir parlé de la conformité des ajustements de Modeste et du prince Curieux. La princesse impatiente de savoir cette aventure, congédia tout le monde, et resta seule dans son cabinet avec Modeste et Curieux.


    - Je vous avoue, lui dit Prodigue, après les avoir fait asseoir, et en s'adressant au prince Curieux, que depuis votre arrivée dans cette cour, je vois y faire des choses si surprenantes que je ne puis m'empêcher de vous demander qui vous êtes; comment vous avez eu le portrait de mon amie; par quel enchantement vous vous trouvez tous deux habillés de la même manière, et quel démon a fait trouver cet habit dans la garde-robe, au lieu du sien ? Parlez, je vous en conjure, continua-t-elle, ne me déguisez rien.


    - Puisque vous me l'ordonnez, reprit le prince, je vous dirai, Madame, que je suis fils du roi de Phrygie, et que ma mère, étant grosse de moi, se fut un jour promener, accompagnée d'une fille qu'elle aimait tendrement, dans un bois qui était au bout des jardins de son palais; à peine y eut-elle fait quelques tours qu'elle fut abordée par une grande femme d'un air majestueux, qui, en la saluant, lui dit qu'elle était grosse d'un fils qui serait l'adoration de ses peuples, mais que l'amour rendrait très malheureux, que cependant il viendrait à bout de ses desseins, qu'elle voulait en prendre soin, qu'elle était la souveraine des fées de la Lycie. Après cela, elle disparut laissant ma mère si surprise qu'elle ne fut de longtemps en état de retourner au palais. A quelque temps de là, elle accoucha de moi ; elle n'oublia pas de prier la fée dans son cœur de se ressouvenir de ses promesses. Je fus élevé avec soin, et l'envie que j'avais de savoir toutes choses me fit nommer Curieux. Je passai les premières années de ma vie, comme tous les princes de mon âge ; le roi et la reine m'aimaient avec passion; la mienne dominante était la chasse contre toutes les bêtes les plus farouches. Un jour que j'étais allé chercher un sanglier furieux qui désolait toutes nos terres, je m'égarai dans la forêt sans pouvoir me retrouver; je marchai tout le jour sans espérance, et la nuit tomba sans que j'eusse pu rencontrer personne de ma suite; je me résolus de la passer au pied d'un arbre. Je descendais de cheval pour exécuter mon dessein, quand mes yeux furent frappés d'une lumière surprenante, et la même fée, dont j'avais ouï parler bien des fois, s'approchant de moi, me dit: «Je viens à ton secours, prince Curieux, suis-moi sans crainte.» En achevant de parler, elle marcha droit à un palais magnifique, que je voyais devant nous; nous y arrivâmes en peu de temps, et je ne vous puis représenter tout ce que je vis dans ce séjour enchanté.


    C'est peu que de vous dire que les murs étaient d'or, et que mes yeux ne purent soutenir l'éclat des pierres précieuses qui y brillaient de tous côtés. La fée me conduisit dans un appartement de même beauté, et l'on nous y servit un souper de tout ce qu'il y avait de plus exquis. Quand nous fûmes sortis de table, elle se retira et me dit de reposer toute la nuit, que j'en avais besoin. Je nie couchai, et le lendemain je fus réveillé par une musique si charmante qu'autre qu'Apollon et les Muses ne la pourraient faire. Quand je voulus me lever, je trouvai un habit des plus galants sur ma toilette, et l'on m'habilla sans que je visse qui me servait. À peine fus-je en état de paraître que la fée entra dans ma chambre; je voulus la remercier de tant de faveurs, mais elle me dit que, dès ma naissance, elle m'avait pris sous sa protection, que j'y pouvais compter pourvu que je ne fusse point ingrat; qu'elle ne m'abandonnerait jamais; je l'assurai que ma reconnaissance serait éternelle.


    Après cela, elle me mena dans des jardins, dont les beautés répondaient à la magnificence de la maison. De tout ce que je vis, rien ne me parut plus surprenant qu'une grande allée d'orangers, dont tous les troncs avaient la figure d'homme. Je ne pus m'empêcher de lui demander ce que c'était que ces figures. Elle me répondit que c'étaient tous les amants qu'elle avait eus, qu'elle avait transformés en arbres pour les punir de n'avoir pas su lui plaire, et que leur destin les condamnait à demeurer dans cet enchantement jusqu'au moment qu'elle trouverait un homme assez heureux pour se faire aimer d'elle. Je plaignis ces pauvres malheureux, mais je n'osai le dire à la fée, de peur de l'irriter. Au bout de cette allée, nous entrâmes dans un pavillon, elle m'y fit asseoir sur un lit de repos. Après avoir fermé la porte sur nous:

    - Prince Curieux, me dit-elle, il est temps que vous commenciez vos aventures, je vais vous faire voir toutes les beautés de la terre, ce sera à vous à faire un bon choix.

    En même temps, elle fit deux tours dans sa chambre, avec une baguette qu'elle tenait, prononçant quelques mots que je n'entendis pas; aussitôt je vis paraître les plus belles personnes du monde, dans des glaces qui servaient de tapisseries aux chambres; je vous y vis, Madame, et, quoique rien ne me parût si beau que vous, je vous avoue que je fus charmé de la princesse Modeste qui vous suivait.


    La fée ne le connut pas sans chagrin, et elle fit ce qu'elle put pour me détourner de lui sacrifier ma vie; elle ne put me faire changer de dessein, elle fut contrainte de se rendre à mes pressantes prières; ce ne fut pas sans m'avoir prédit que je ne pourrais jamais être aimé sans m'être fait haïr. Je vous avoue, Madame, que je pensai mourir de douleur à un si funeste oracle ; la fée en fut touchée de pitié, elle me promit sa protection. Ensuite nous sortîmes de ce lieu fatal, et repassant par l'allée d'orangers, tous ces arbres s'inclinèrent jusqu'à terre, et couvrirent son chemin de fleurs et de fruits. Nous arrivâmes au palais, dans une grande salle, où je trouvai les armes dont j'étais couvert le jour du tournoi. Mais, ô Dieux ! Quels furent les remerciements que je lui fis quand elle me présenta le bouclier, et que j'y vis le portrait de mon adorable princesse ! "Prince, me dit-elle, allez où votre amour vous porte; que de maux vous allez souffrir au service de Modeste ! Partez, puisque je vois que rien ne vous peut faire changer de dessein; vous trouverez, à la porte du château, tous vos gens qui vous attendent; et comme je ne puis vous suivre, voilà un cor dont je vous fais présent; quand vous voudrez quelque chose de moi, mettez-le dans votre bouche, et demandez ce dont vous aurez besoin". Je me jetai à ses genoux pour la remercier de ses bontés, et ayant pris ce merveilleux cor, je montai à cheval. Je ne vous dis point la joie qu'eurent mes gens de me retrouver; je suis trop pressé de vous dire que je pris le chemin de la Lycie, et qu'ayant fait toute la diligence que demandait l'impatience de voir ma belle princesse, j'arrivai enfin la veille du tournoi. Vous savez depuis ce moment tout ce qui m'est arrivé; il ne me reste plus qu'à vous dire que, le jour de la chasse, ayant souhaité de pouvoir avoir un habit pareil à celui de Modeste, je fus tout étonné de trouver sur ma table l'habit que vous avez vu, et qui vous a donné tant de curiosité; mais que me sert de pouvoir tout, si je ne puis rien sur le cœur de ma princesse !

    Le prince finit ainsi son discours; et Prodigue prenant la parole:

    - Je me doutais bien, lui dit-elle, qu'il y avait quelque chose d'extraordinaire dans ce que vous avez fait depuis que vous êtes dans ma cour; mais quoi que la fée vous ait prédit de funeste, je ne crois pas qu'il soit possible à Modeste de vous haïr.

    Après cela, Prodigue se leva, et alla donner audience aux ambassadeurs du roi de Syrie. Depuis ce jour, le prince Curieux ne perdit pas un moment à faire connaître à la princesse le violent amour qu'il avait pour elle; mais il n'éprouvait que trop ce que la fée lui avait prédit. Elle recevait, avec civilité, tous les services qu'il lui rendait; mais son cœur n'y avait point de part; toute la cour en était étonnée, et Prodigue, qui avait pour lui toute l'estime qu'il méritait, en parlait souvent à son amie.

    Un jour qu'elles se promenaient toutes deux dans un bois de chênes-verts qui était proche du palais, après y avoir longtemps marché, elles allèrent s'asseoir au bord d'un ruisseau qui passait dans ce bois, et la princesse ayant fait signe à ses filles de se retirer:

    - Arrêtons-nous ici, ma chère Modeste, lui dit-elle, et goûtons le frais au bord de cette fontaine.

    Elles y furent quelque temps à écouter le murmure de l'eau, et le chant des oiseaux; mais la princesse prenant la parole :

    - En vérité, lui dit-elle, je ne puis être plus longtemps sans vous demander si votre cœur n'est point touché de reconnaissance pour le pauvre Curieux ?

    - Je vous avoue, Madame, reprit Modeste, que je vois, comme tout le monde, les bonnes qualités de ce prince, que je suis obligée des services qu'il me rend; mais je ne sens rien de plus, et mon cœur conserve toujours son indifférence ; je vous dirais plus, Madame, continua-t-elle, si je ne craignais de passer pour ridicule, je suis fâchée de ce que tout le monde lui trouve tant de mérite et de n'avoir nul sujet de m'excuser de l'injustice que je lui rends.

    -Est-il possible, reprit la princesse, que vous puissiez avoir de pareils sentiments? Où trouverez-vous un prince plus parfait, et qui vous aime avec plus de passion. En vérité, il y a du caprice dans votre procédé.

    - Je mérite tout ce que vous me dites, Madame, dit Modeste; mais il n'est pas à mon pouvoir d'avoir d'autres sentiments pour lui.

    - Que tu es à plaindre, pauvre Prince ! répondirent mille oiseaux qui étaient sur les branches des arbres qui couvraient la tête des princesses, si l'on ne peut payer ton amour que d'ingratitude ! Mais, Modeste, un temps viendra que de la haine la plus forte, tu passeras à la tendresse la plus sensible pour le prince infortuné.

    Jamais étonnement ne fut pareil à celui des princesses:

    - Quoi, s'écria Modeste, j'entendrai parler jusqu'aux oiseaux de l'objet de mon indifférence? Je ne puis être un moment sans qu'il me donne quelque preuve d'un amour qui m'est odieux? Ah ! je commence à sentir de la haine, et je ne réponds pas que je ne le bannisse de ma présence, s'il ne me laisse pas en repos.

    - Prenez garde, reprit Prodigue, en riant de la colère de son amie, de faire réussir l'oracle de la fée des oiseaux.

    - Non, Madame, interrompit Modeste, je ne crains point de le haïr, je suis sûre que je ne l'aimerai jamais.

    - N'en réponds pas, Modeste, répondit une voix du fond du ruisseau, tu ne peux fuir ton destin.

    - Ah ! C'en est trop, s'écria Modeste en colère: sortons, Madame, d'un endroit où l'on me prédit des choses si affreuses.

    Prodigue se leva par complaisance pour elle, et repassant dans le parterre, elles y retrouvèrent les princes Ambitieux et Curieux, qui venaient les chercher. Ambitieux donna la main à Prodigue ; Curieux s'étant approché de Modeste, pour lui rendre le même service, elle le reçut, et s'étant éloignée de la princesse de quelques pas :

    - Prince, lui dit-elle, toute la nature s'élève contre moi en votre faveur; je connais même que j'ai tort de ne pas reconnaître votre amour, vous méritez un cœur tout entier; mais avec toute cette connaissance, je ne puis rien pour vous, et si mon repos vous est cher, et qu'il soit vrai que vous ne soyez venu dans cette cour que pour moi, retirez-vous et ne me voyez jamais. Je sais que je serai blâmée d'un procédé si peu reconnaissant, mais il faut que je vous aie l'obligation toute entière, et que vous demandiez votre congé à la princesse, sans lui parler de moi.

    En disant cela, elle quitta la main du prince, et rejoignit Prodigue. Jamais étonnement ne fut égal à celui de Curieux; il fut longtemps à prendre sa résolution, mais enfin il fallut obéir. Prodigue fit tout ce qu'elle put pour l'en détourner; mais ce fut inutilement, il fut pour prendre congé de Modeste, qu'il ne put voir; il pensa mourir à cette nouvelle cruauté, il se retira chez lui dans un mortel chagrin, il donna ordre qu'on tînt son équipage prêt pour partir le lendemain.

    Après cela il entra dans son cabinet, et prenant son cor:

    - Puissante Fée, dit-il en le portant à sa bouche, ne m'abandonnez pas dans le désespoir où je suis; faites que je puisse être invisible, et que, par ce moyen, je puisse voir ma princesse sans lui déplaire.


    Il n'eut pas fini ces paroles, qu'il entendit tomber quelque chose à terre; s'étant baissé pour le ramasser, il trouva une bague enveloppée dans un papier où ces mots étaient écrits : « L'anneau que tu vois est celui dont le roi de Pont se servait pour enlever Mandane des prisons du roi Crésus, à la vue de l'armée de Cyrus; sers-t-en pour revoir ta princesse; en le mettant dans ta bouche, ne crains point d'être vu, ni que les portes soient fermées devant toi; mais prends garde de t'oublier dans ce que tu verras d'admirable ».

    Le prince, après avoir lu ce peu de mots, remercia la fée sa bienfaitrice, et prenant la bague dans sa bouche, il passa dans son appartement sans être aperçu ; cela lui donna la hardiesse d'entrer dans celui de Modeste.

    Il la trouva qui s'allait mettre au lit. Dieux ! que devint-il, quand ses femmes se furent retirées, et qu'à la clarté d'une lampe qui brûlait toute la nuit, il vit cette adorable personne, et oubliant les ordres qu'elle lui avait donnés, qu'elle s'endormit tranquillement ! Transporté de la vue de cet admirable objet, il voulut s'approcher, pour admirer de plus près tant de charmes; quand, oubliant qu'il avait la bague dans sa bouche, il la laissa tomber, et le bruit qu'elle fit en tombant réveilla la princesse, qui à la vue d'un homme fit un cri.

    - Qui te fait assez hardi, lui dit-elle en le reconnaissant, de venir troubler mon repos, et quel dessein t'amène dans ma chambre à pareille heure?

    La colère l'empêcha de parler davantage; le prince prenant ce temps pour se justifier:

    - J'étais venu dans votre appartement, lui dit-il, pour vous dire que loin de mes yeux j'allais vous faire un sacrifice de ma vie, puisque vous ne voulez pas en être témoin.

    - Tais-toi, interrompit Modeste; va si loin de ces lieux que je n'entende jamais prononcer ton nom devant moi, je te défends d'attenter à ta vie, ton supplice serait trop doux, il faut pour satisfaire ma haine que tu sois plus longtemps malheureux, mais surtout ne parais jamais devant mes yeux, après ton insolence, je ne te puis voir sans horreur.

    Modeste avait beau parler, elle n'était point entendue. Le prince était tombé en faiblesse à des ordres si cruels; elle s'en aperçut avec chagrin, dans la crainte que ses femmes ne sussent son aventure: nais les dieux protecteurs de l'innocence redonnèrent la vie au prince.

    Dès qu'il commença à se lever, il mit un genou en terre, et regardant la princesse avec des yeux mouillés de larmes

    - J'obéirai, Madame, lui dit-il, et traînerai une vie si malheureuse qu'elle satisfera votre vengeance.


    Après cela il reprit son anneau, et disparut de devant elle en un moment, sans qu'elle pût voir ce qu'il était devenu. Elle demeura dans une étrange surprise; elle passa la nuit sans pouvoir dormir, la honte d'avoir été vue dans un état si peu conforme à son nom et à son humeur la rendait inconsolable et lui faisait concevoir contre le prince des sentiments de vengeance qui ne lui laissaient point de repos; mais le jour vint calmer ses inquiétudes, un léger sommeil l'assoupit pour quelques heures. Pour Curieux, il passa dans son appartement, dans un désespoir inconsolable; il avait offensé sa princesse sans espoir de pardon; et il s'en fallut de peu qu'il ne maudît la fée qui lui avait donné les moyens de la voir un moment pour la perdre pour jamais. Il voyait bien qu'il ne pouvait plus paraître devant elle, après les défenses qu'elle lui en avait faites ; mais l'épreuve qu'il venait de faire de la bague, lui fit croire qu'il pourrait bien demeurer à la cour sans être vu.


    Après avoir pris sa résolution, il ordonna à ses gens de l'aller attendre sur les confins de la Célusie, et ne garda avec lui qu'un écuyer en qui il avait confiance. Il se ressouvint même que la fée lui avait prédit qu'il ne serait jamais aimé qu'il ne fût haï; il espéra que cette aventure serait peut-être le commencement de son bonheur.

     

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  • Dédiés à Madame la duchesse de Bourgogne.


    Par Madame la comtesse D. L.

     

    Le pouvoir des fées était venu à un si haut point de puissance que les plus grands du monde craignaient de leur déplaire. Cette maudite engeance, dont on ne sait point l'origine, s'était rendue redoutable par les maux qu'elles faisaient souffrir à ceux qui osaient leur désobéir. Leur fureur n'était point satisfaite que par les changements des plus aimables personnes en monstres les plus horribles, et si elles ne vous donnaient pas une mort prompte, ce n'était que pour vous faire languir plus longtemps dans une condition plus misérable que le trépas qu'elles vous refusaient. L'impossibilité qu'il y avait de se venger d'elles les rendait plus impérieuses et plus cruelles; mais de toutes les personnes qu'elles ont prises pour objet de leur rage, il n'y en a jamais eu de si malheureuses que la princesse Philonice. Sa beauté surnaturelle leur donna envie de l'avoir pour la marier à un de leurs rois.


    Dans cette pensée, elles l'enlevèrent un jour qu'elle se promenait avec la princesse sa mère, sans être touchées des cris de la mère ni de la fille. Elle avait environ douze ans. Dans cet âge si peu avancé, elle était un chef-d’œuvre de la nature pour le corps et pour l'esprit. Pour la consoler de la violence qu'elles lui venaient de faire, elles la transportèrent dans un lieu charmant: c'était un palais bâti entre deux collines, dont on découvrait une vallée remplie de tout ce qui peut plaire aux yeux ; jamais celle de Tempé, tant vantée par les poètes, n'eut tant de beauté. Un printemps éternel régnait dans ce lieu délicieux; les jardins étaient remplis de canaux et de fontaines jaillissantes, les orangers y formaient un ombrage qui mettait à couvert du soleil dans sa plus vive ardeur; enfin tout ce que la nature et l'art de féerie avaient de plus surprenant se trouvait dans ce séjour enchanté.


    La jeune princesse ne fut point sensible à tant de merveilles, elle était dans une mélancolie qui aurait fait pitié à toute autre qu'à ces impitoyables fées.

    Cependant elles la donnèrent en garde à la moins barbare d'entre elles, qui se nommait Serpente; mais surtout elles lui recommandèrent qu'elle n'eût point de commerce avec personne. Pour exécuter leur ordre, Serpente fit en un moment sortir de terre, à un des bouts du jardin, un pavillon magnifique où elle conduisit Philonice; elle lui donna, pour lui tenir compagnie, une fille nommée Élise, qui avait été enlevée à l'âge de deux ans; elle lui donna aussi toutes sortes d'animaux rares pour la divertir; elle la faisait travailler à des tissus d'or et de soie une partie du jour pour l'occuper; les habits magnifiques, les diamants et les perles ne lui étaient point épargnés. Enfin tout ce qu'elle croyait qui pouvait plaire à une jeune personne, elle le lui donnait à profusion ; elle se gardait bien de lui parler du monstre à qui elle la destinait pour femme.


    Ce temps n'était pas encore venu qu'elle avait résolu de faire ce mariage si peu sortable; elle voulait l'accoutumer à leurs manières auparavant que de lui annoncer son malheur.

    Quelquefois elle la menait promener dans ces beaux lieux dont j'ai déjà parlé, et lui faisant admirer tant de si belles choses, elle lui disait que si elle était obéissante à ses volontés, elle en serait un jour maîtresse; mais qu'elle prît garde de ne pas mériter sa haine, qu'elle savait punir comme récompenser.

    Pendant que la fée parlait ainsi, Philonice voyant sur le bord du canal deux tourterelles qui paraissaient si privées qu'elles ne s'enfuyaient point de leur présence, elle en eut envie; elle lui demanda la permission de les prendre pour les porter dans sa chambre. «Je ne puis vous l'accorder, lui dit la fée, le destin de ces oiseaux est de ne point quitter ce canal; ils n'ont pas toujours été dans cet état; c'étaient autrefois un beau prince et une belle princesse, que nous avions pris en affection. Nous les destinions l'un pour l'autre et ils s'aimaient tendrement; mais dans le temps que nous ne songions qu'à leur bonheur, ils rencontrèrent une de nos sueurs qui se baignait dans le canal, dont tout le corps était couvert de plumes de tourterelle; ce qu'elle cachait avec soin. Le dépit d'être découverte lui fit souhaiter que ceux qui l'avaient vue ne pussent le dire, et qu'ils devinssent eux-mêmes tourterelles.


    Dans ce moment, elle leur jeta de l'eau sur le visage, qui ne les eut pas plus tôt touchés qu'ils changèrent de nature et devinrent les oiseaux que vous voyez; depuis ce temps-là ils ne se quittent point, et conservent sous cette nouvelle forme leur tendresse; ils passent leurs jours à se plaindre de leur commun malheur.


    Il y a bien d'autres exemples ici de notre pouvoir, continua la fée, toutes ces statues, que vous voyez le long de ces terrasses, étaient autrefois des sujets d'un prince notre voisin; ces jardins n'étaient point faits encore; nous n'y faisions pas notre habitation, quelquefois la beauté de cette vallée nous y attirait. Un soir que nous y dansions au clair de la lune, nous fûmes aperçues par ces hommes; ils se moquèrent de nos postures différentes; irritées contre ces insolents, nous les fîmes demeurer immobiles dans la situation où ils étaient, et depuis nous les avons convertis en statues.»


    Ce discours ne faisait qu'augmenter la crainte de Philonice; elle lui promit qu'elle serait si soumise à ses volontés qu'elle ne mériterait jamais leur haine, quoique la chose lui parût très difficile. Cependant sa beauté augmentait tous les jours, c'était le délice de toutes les fées, elles la voyaient réussir avec plaisir à tout ce qu'on lui montrait, elles l'accablaient de caresses et de présents, elles vinrent à un point d'amitié pour elle qu'elle avait la liberté d'aller partout sans la fée Serpente. Si elle avait pu oublier sa patrie, elle aurait mené une vie assez heureuse. La jeune Élise était aimée d'elle avec passion; cette personne le méritait, elle avait tant de douceur dans l'esprit qu'il était difficile de s'empêcher d'avoir du penchant pour elle. Un jour qu'il avait fait très chaud, elles furent le soir se promener dans un bois de citronniers, éloigné de leur pavillon. La beauté de la nuit les charmait si fort qu'elles ne pouvaient se résoudre à se retirer, quand elles virent venir à elles une femme qui tenait un mouchoir à la main, dont elle essuyait de grosses larmes qui coulaient de ses yeux en abondance.


    Une rencontre si triste fit pitié à ces deux jeunes personnes; elles s'avancèrent toutes les deux en même temps pour lui demander ce qu'elle avait. Mais elles en furent empêchées par la frayeur que leur fit un dragon, d'une grandeur énorme, qui sortant d'un buisson, se vint jeter au col de cette femme, sans qu'elle témoignât en avoir peur; au contraire, elle lui rendit ses caresses, et s'étant assise à terre, il se coucha auprès d'elle avec des mouvements si tendres que Philonice ne douta pas qu'il n'y eût quelque mystère caché sous cette figure.


    Dans cette pensée, elle s'approcha pour tâcher d'apprendre une aventure qui lui donnait de la curiosité, quand elle entendit que cette personne affligée disait au dragon, en redoublant ses larmes:

    - Mon cher Philoxipe, jusqu'à quand vous verrai-je si différent de vous-même? La barbarie de nos cruelles ennemies ne se lassera-t-elle point de nous persécuter? Ne devraient-elles pas être rassasiées de mes larmes, depuis le temps que nos malheurs en tirent de mes yeux, ou plutôt quand sera-ce que cette adorable princesse, que le solitaire nous a dit être née pour le bonheur de l'univers, viendra rompre nos chaînes en détruisant les détestables fées, dont le pouvoir tyrannique s'étend jusque sur les cœurs?

    Philonice ne put s'empêcher de faire un soupir au discours de cette femme qu'elle entendit; elle tourna la tête pour voir d'où il partait, et apercevant la princesse, elle eut peut- que ce ne fût une des fées; cela la fit lever pour s'enfuir de sa présence. Mais Philonice connaissant sa frayeur, lui dit en l'abordant :

    - Ne craignez rien, Madame, nous sommes des infortunées comme vous, retenues dans ces lieux: véritablement touchées des plaintes que vous venez de faire, si nous pouvions vous soulager de vos maux, nous nous y emploierions de tout notre pouvoir.

    - C'est beaucoup, Madame, lui répondit cette personne, de trouver dans ces lieux quelqu'un capable de compassion; et voici la première fois, depuis cinq ans que les fées me retiennent auprès du déplorable Philoxipe, continua-t-elle en montrant le dragon, que cela m'est arrivé.


    -Plût aux Dieux ! reprit la princesse, que j'eusse le pouvoir de finir vos malheurs, vous verriez que je ne m'arrêterais pas à les plaindre; mais puisque c'est tout ce qui est en ma puissance, ne vous refusez pas ce triste plaisir, et contez-nous par quel sort cruel vous avez été conduite ici.


    - C'est un discours trop long pour le faire ce soir, reprit l'inconnue, nos implacables ennemies pourraient trouver mauvaise mon absence; elles ne m'accordent en toute la journée qu'une heure pour voir cet aimable dragon, encore est-ce après bien des pleurs que j'ai obtenu cette grâce de la fée Serpente, la seule qui quelquefois se laisse toucher de pitié; mais demain à la même heure, je satisferai votre curiosité.

    Philonice en convint, et lui laissa employer le peu de temps qui lui restait avec son cher dragon. Cet objet avait tellement touché la jeune princesse et sa compagne qu'elles n'en dormirent de la nuit. La fée Serpente, entrant dans sa chambre, la trouva tout abattue, elle lui en demanda la cause; mais Philonice se garda bien de lui dire, et après avoir dit qu'elle se trouvait mal, elle la suivit au palais, où les fées étaient assemblées. Elle y passa la journée, avec impatience d'être à l'heure de son rendez-vous, qui arriva enfin. Elle prit congé de ses impérieuses maîtresses, pour aller trouver la belle affligée, avec sa chère Elise; mais le destin lui préparait une autre aventure. Au lieu de prendre le chemin du bois des citronniers, elles prirent, sans s'en apercevoir, une route qui les conduisit sur une grande terrasse qui régnait le long de la vallée, dont on découvrait des beautés de la nature qui enchantaient les yeux. Elles furent surprises de s'être égarées, et voulant reprendre leur chemin, elles rencontrèrent au détour d'une allée un homme couché au pied d'un if, qui paraissait endormi. Cette nouveauté les fit arrêter; elles n'avaient jamais vu d'hommes dans ces lieux; et la jeune Élise, qui n'en avait point sorti depuis qu'elle était née, demanda à la princesse quel animal c'était là. Elle parla si haut que cet inconnu s'en réveilla. Il se leva avec précipitation à la vue de ces deux belles personnes, qui voulurent s'enfuir; mais ayant avancé au-devant d'elles :

    - Suis-je assez malheureux, dit-il, en s'adressant à Philonice, dont la beauté surnaturelle le surprit, pour vous avoir fait quelque frayeur, et aurez-vous la cruauté de m'en punir, en vous éloignant avec tant de promptitude ?

    - Le peu d'habitude, reprit la princesse en s'arrêtant, que nous avons de voir des personnes comme vous, nous a étonnées. Dans une heure si avancée de la nuit, il serait peut-être dangereux de nous arrêter ici; vous ne connaissez pas sans doute le lieu où vous êtes, puisque vous vous êtes endormi si tranquillement; les fées, qui en sont les maîtresses, ne vous pardonneraient pas d'y être entré sans leur permission; sortez-en au plus vite, de peur d'éprouver leur dangereuse colère, et nous laissez aller de crainte d'être prises pour complices de votre crime.

    - Ah! Madame, s'écria cet inconnu, je ne crains point le pouvoir des fées, quand il s'agit de vous perdre; quoique je ne vous connaisse que de ce moment, je sens bien que je ne vous quitterai de mes jours, dussé-je souffrir les maux les plus terribles; quelque menaces que vous me fassiez, je ne puis m'empêcher de louer le ciel de m'avoir égaré mon équipage, pour me faire voir une beauté aussi accomplie que la vôtre. Mais quel démon, fatal au plaisir de toute la terre, vous cache dans ces lieux inconnus aux mortels ?

    - C'est pour mon malheur particulier, reprit la princesse, que j'y suis retenue depuis plusieurs années.

    - Ah ! Madame, reprit l'inconnu, si c'est malgré vous que vous êtes ici et qu'un si beau séjour vous serve de prison, vous n'avez qu'à me commander dans quel endroit vous voulez que je vous conduise, je le ferai au péril de ma vie, sans vous demander d'autre récompense que de passer le reste de mes jours à vos pieds.

    - Non, généreux Inconnu, répondit Philonice, je ne puis accepter vos offres, quelque obligeantes qu'elles soient, je vous mettrais clans un danger inutile, vous ne pourriez me tirer de leurs mains cruelles; prenons garde seulement qu'elles ne vous découvrent, sortez avec diligence pendant que vous êtes libre de le faire ; profitez de mes avis, encore un coup, fuyez pour votre repos et pour le mien.


    En achevant de parler, elle prit Élise par le bras, elle s'éloigna de lui. Il ne put se résoudre de se retirer de ce lieu fatal, sans savoir où habitait cette belle personne; pour s'en éclaircir, il la suivit de loin, et la vit entrer dans son pavillon. Il demeura encore longtemps à regarder l'endroit où s'était renfermé cet aimable objet de son amour naissant; mais craignant d'être surpris par le jour, il se retira par le même chemin par où il était venu, sans être aperçu des gardes qui étaient postés autour de ces jardins.


    La princesse avait oublié la belle affligée, la rencontre de l'inconnu l'occupa toute la nuit, malgré qu'elle en eût; le jour parut sans qu'elle eût dormi; la générosité avec laquelle il lui offrait de la tirer de captivité la touchait de reconnaissance.

     


     

    Enfin, une violente passion s'empara de son cœur, sans qu'elle la connût, elle passa le jour comme elle avait fait la nuit, dans des inquiétudes qui lui semblèrent toutes nouvelles ; et le soir étant arrivé, Élise la fit souvenir du rendez-vous du jour d'auparavant, où elle se laissa conduire sans nulle attention. La présence de la belle affligée qu'elle trouva auprès de son cher dragon la tira de sa rêverie. La princesse lui fit excuse d'avoir manqué à l'heure qu'elle lui avait promise, et s'asseyant auprès d'elle, elle la pria de satisfaire sa curiosité.

    L'inconnue, sans se faire prier davantage, commença son histoire en ces termes.

     

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  • NOUVELLES PERSANES

    Traduites de l'arabe

     

    Une jeune Persane, d'une beauté surprenante, lisant un jour un livre qui traitait des sylphes et des sylphides, et regardant avec plaisir la complaisance de ces amants aériens, souhaita avec empressement d'en avoir un, pour se désennuyer de l'affreuse solitude où la jalousie de son époux la contraignait de vivre. Elle pria son faux prophète de lui faire cette grâce, et sans que cette idée flatteuse l'eût quittée d'un moment, elle se fut coucher, dans l'espérance d'être aussi heureuse que celles dont elle avait lu les histoires, sans être épouvantée des châtiments dont ils punissent les infidèles. Sur le milieu de la nuit, elle entendit un assez grand bruit. Une joie secrète s'empara de son cœur, ne doutant pas que ce ne fut ce qu'elle souhaitait avec tant d'empressement. Pour s'en éclaircir, elle ouvrit son rideau, et vit, à la lueur d'une lampe, que l'on traînait une chaise dans sa chambre. « Si vous êtes sylphe, dit-elle sans s'effrayer, montrez-vous à moi, je vous en conjure; car je me sens capable de vous aimer avec constance, si vous êtes aussi aimable que l'on vous dépeint.» Après que la belle Persane eut beaucoup parlé, l'on ne lui répondit point, le bruit cessa; et comme elle désespérait de voir le sylphe, elle aperçut un fil qui était attaché au haut de son pavillon, où pendait une clé qui venait lui toucher le visage, et qui s'en retournait aux pieds du lit, dès qu'elle y portait la main. Curieuse de voir si elle ne se trompait point, elle se leva pour mettre une lampe auprès d'elle, et se remit dans la même situation où elle était. Le jeu de la clé recommença, et cela dura plus d'une heure, sans que, par toutes les prières qu'elle pût faire, l'on voulût se montrer. Enfin, l'on prit les bouts de son pavillon, et après les avoir secoués avec violence, on les jeta sur le dôme, et du reste de la nuit, elle ne vit plus rien. Elle se leva aussitôt que l'aurore, pour passer dans son cabinet, afin de rêver avec liberté à son aventure. Comme elle s'appuyait, en rêvant sur sa table, elle aperçut un papier écrit d'une écriture inconnue, qu'elle prit et y lut ces paroles :

    Je suis le sylphe que vous demandez, belle Zavde. Il y a plus d'un an que j'attends, avec impatience, ce moment heureux. Je vous aimerai d'une constance que tous ne trouverez, point dans les hommes; mais je veux être aimé de même. Pour cela, j’éprouverai votre fidélité auparavant que de me montrer; et cependant, j’aurai soin de vous désennuyer par une tendre conversation. Si votre cœur sait goûter la différence de notre amour d'avec celui des mortels, je tous rendrai la plus heureuse personne de toute la perse.


    « Oui, charmant Sylphe, oui, s'écria l'aimable Zayde, vous me trouverez délicate et tendre, et vous n'aurez jamais lieu de vous repentir des bontés que vous aurez pour moi.» Elle passa le reste de la journée dans une impatience très vive d'être à la nuit. Elle se coucha de très bonne heure, dans l'espérance que son amant viendrait la voir. Elle ne se trompa point. A peine ses esclaves étaient-elles retirées qu'elle entendit une voix qui lui dit: «Il est juste, aimable Zayde, que je récompense le soin que vous avez de vous débarrasser de tout ce qui pourrait empêcher nos conversations; je viens vous assurer d'un amour éternel, d'une complaisance à toutes épreuves, et que tout ce qui est en ma puissance sera dans la vôtre. Ce n'est pas peu de chose. Nous pouvons tout ce que nous voulons; et nous ne trouvons rien d'impossible pour plaire à ce que nous aimons. Mais comme je vous l'ai écrit, nous sommes jaloux et délicats-, la moindre infidélité nous rebute, et nous punissons aussi sévèrement que nous aimons. Notre amour est la mesure de notre haine. C'est à vous de connaître si vous êtes capable d'un si dangereux engagement. - Ah! mon cher Sylphe, répondit la tendre Persane, ne craignez rien dans mes sentiments qui vous déplaise; mon cœur ne sera jamais qu'à vous, je ne penserai qu'à ce qui pourra vous plaire, et je suis certaine que ma constance égalera la vôtre. - Je le souhaite plus que vous, reprit le sylphe. Mais l'inconstance de votre sexe nous est si connue que pour n'être pas contraint de punir ce qui peut faire mon seul bonheur, je veux éprouver si vous êtes ce que vous pensez être. Je vous parlerai à tous les moments que vous serez en liberté, je vous apprendrai toutes les plus belles aventures, pour vous donner une occupation digne d'une femme que je veux rendre parfaite; et pour vous délasser de ce pénible travail, je vous instruirai de tout ce qui se passera de plus caché dans toutes les parties du monde; mais vous ne me verrez qu'après que je n'aurai plus rien à craindre de votre cœur. Et pour commencer à vous donner une preuve que je cherche tout ce qui peut vous plaire, apprenez que cette charmante sœur, que vous pleurez tous les jours, n'est point morte. - Ah ! mon cher Sylphe, s'écria Zayde, que me dites-vous ? Quoi ! Isthérie s'est sauvée du terrible naufrage qui fit périr tous ceux qui étaient avec elle, sans que nous n’ayons jamais pu apprendre ce qu'elle était devenue? Ah! s'il est vrai que vous m'aimez, faites que je puisse la voir encore une fois en ma vie, et lui conter tout ce que sa fausse mort m'a coûté de larmes. - Je ne puis présentement vous donner cette marque d'obéissance, reprit le sylphe; mais pour ne vous laisser rien ignorer de tout ce qui lui est arrivé depuis votre séparation, je le puis tout à l'heure, si vous n'avez besoin de repos. - Le sommeil, reprit Zayde, ne peut me faire un aussi sensible plaisir que celui que vous me promettez ; ainsi, je vous conjure de ne pas tarder un moment à me le donner.» Le sylphe, sans y répondre, commença l'histoire d'Isthérie en ces termes.


    HISTOIRE D'ISTHÉRIE, NOUVELLE PERSANE


    «Vous savez avec quelle joie Isthérie était attendue du prince de la Zodianne, et que cette belle personne, touchée sensiblement de son mérite, ne ressentit à son départ que le chagrin de s'éloigner de vous. Vous la vîtes embarquer avec un vent favorable; mais cette bonace ne dura pas longtemps. Sur le soir, il s'éleva une tempête si violente qu'au point du jour, elle fit briser le vaisseau contre un rocher qui formait une petite île, où la belle Isthérie se sauva, à la faveur de quelques planches. Tout le reste de ceux qui l'avaient accompagnée furent engloutis sous les ondes. D'abord qu'Isthérie fut revenue de la crainte que lui avait donnée un si grand péril, elle remercia le ciel de l'avoir conservée; mais quand elle se vit seule dans une île inhabitée, exposée aux bêtes sauvages, et sans espoir d'en pouvoir sortir, elle regretta de n'être point du nombre des malheureux qu'elle voyait étendus sur le sable. Elle passa le jour et la nuit dans cette cruelle Situation; mais l'aurore lui fit concevoir quelque espérance. Elle aperçut un vaisseau en pleine mer; et montant sur le plus haut d'un rocher, elle fit tant de signes qu'ils furent aperçus. L'on détacha un esquif, qui vint prendre cette belle personne; mais elle connut bien qu'elle ne sortait d'un malheur que pour rentrer dans un plus grand, puisque ses protecteurs étaient des Turcs, et que la guerre qui est entre le Sophi et le Grand Seigneur, lui fit juger qu'elle allait être esclave, son habit l'ayant fait connaître pour Persane, et pour une personne de très grande naissance. Elle ne se trompa point dans ses conjectures; on la conduisit au bacha, qui était un homme cruel et d'un regard farouche. À peine la regarda-t-il, et sans dire un mot, il ordonna qu'on la menât avec les autres esclaves. « Seigneur, lui dit un homme de sa suite, cette fille est persane, elle ne doit pas être traitée comme les autres esclaves.» À ces mots, le bacha leva les yeux, et se trouvant ébloui de cette beauté surnaturelle, il fit signe qu'on la conduisît dans une des plus belles chambres du vaisseau, qu'on lui donnât des esclaves pour la servir, et qu'on la gardât avec soin.


    Isthérie souffrit ce dernier malheur avec la même constance qu'elle avait souffert l'approche de la mort. Le lendemain, le bicha, qui se nommait Acmar, la vint voir dès qu'il sût qu'elle était éveillée. «Belle Personne, lui dit-il, quoique le sort te rende mon esclave, je viens t'apprendre que je le suis plus que toi, et que je ne puis vivre sans être aimé; songe bien au bonheur que je t'offre, je romps tes fers, et je te fais la maîtresse absolue de tout ce que je possède. - Seigneur, lui répondit la belle Persane, je vous suis très obligée de vos offres. Prévenue d'une passion pour un des plus aimables princes de toute la Perse, je suis incapable de changer. - Isthérie, reprit Acmar, c'était assez de me dire que vous ne pouviez répondre à ma tendresse, sans m'en donner une si cruelle excuse. L'espérance de vaincre votre insensibilité m'aurait contraint à souffrir sans me plaindre: mais puisqu'un rival aimé cause mon malheur, je dois vous regarder comme mon ennemie, et sur ce pied, vous accabler de toute ma haine. - Votre haine, Seigneur, est bien moins à craindre pour moi, lui dit Isthérie, que votre amour. - Eh bien, lui répondit le désespéré bacha, nous verrons si votre constance ne vous coûtera point quelques larmes.» En disant ces dernières paroles, il sortit de sa chambre, avec des yeux où la fureur était dépeinte, et laissa la belle Persane très affligée de ce nouveau malheur. Tant que la navigation dura, l'amoureux Acmar, sans se ressouvenir des résolutions qu'il avait prises, ne la quitta Point, tantôt soumis, et tantôt furieux. Il tachait vainement d'ébranler sa constance. Enfin, elle arriva à Alexandrie, dont il était sultan. Il la fit conduire dans le plus bel appartement de son sérail, et lui donna un nombre infini d'esclaves pour la servir, des habits magnifiques, et des pierreries d'un prix inestimable. Tout cela ne toucha point votre aimable saur. Les moments qu'elle était seule étaient tous employés à se plaindre d'être séparée pour toujours du prince de la Zodianne. Un jour que plus accablée que de coutume, elle s'en était vengée sur le malheureux hacha, et qu'outré de ses mépris, il sortit de sa chambre en jurant de ne plus employer les vœux et les prières, quand il pouvait tout ce qu'il voulait, une jeune esclave s'approcha d'elle. « Madame, lui dit-elle, si vous aimez le prince, ménagez le bacha. Il est dans les mêmes chaînes que vous, et bien plus malheureux. - Ah : Fatime, s'écria Isthérie, que m'apprenez-vous? Mon cher prince est dans ce palais! Le même sort nous accable ! ... Mais non, cela n'est pas possible, et tu me dis une chose que je rie puis croire. - Le même orage qui vous a mis au pouvoir du hacha, reprit l'esclave, nous a mis dans ses chaînes. J'eus le bonheur d'être des filles choisies à vous servir, Le lieu où l'on vous avait trouvée, vos habits, et cette beauté qui ne se rencontre aussi parfaite que sur votre visage, ne me laissèrent pas douter que vous ne fussiez Isthérie. Je fus l'apprendre au malheureux prince, mais je lui cachai l'amour du bacha, de peur d'augmenter ses chagrins. Je lui ai toujours parlé, tant qu'a duré la navigation; mais depuis que nous sommes dans ce palais, je n'avais pu apprendre de ces nouvelles qu'hier, que passant ce nouveau parterre, je m'entendis nommer, je reconnus le prince, qui un cordon à la main, traçait un dessin. "Fatime, me dit-il, que fait Isthérie? Est-elle toujours fidèle à un malheureux? et les grandeurs dont mon rival l'accable ne l'ont-elles point fait changer? - Seigneur, lui dis-je, puisque vous savez que le cruel Acmar aime Isthérie, vous ne devez pas ignorer les cruautés dont elle l'accable. Sa constance ne peut être ébranlée, ni par les menaces, ni par les complaisances. - S'il est vrai que ma chère Isthérie ait des sentiments si avantageux, tu peux, Fatime, me donner le plaisir de la voir demain. Je vais tracer un parterre devant les fenêtres de son appartement; le sultan me l'a commandé ce matin. J'ai le bonheur de lui plaire, il est content de mes ouvrages, et peut-être pourrions-nous trouver le moment de sortir d'esclavage; va, ma chère Fatime, va demander à la charmante Isthérie un moment de conversation." Après ces mots, j'ai quitté le prince, et suis venue, Madame, m'acquitter de ma commission. - Ah ! Fatime, lui dit Isthérie, que je te veux de mal de m'avoir caché que le prince était si près de moi. - J'avais peur, reprit l'esclave, de quelque mot échappé, qui eût fait connaître au bacha une aventure si fâcheuse pour lui, et dont le prince aurait été la victime; c'est ce qui m'a obligée de me taire. Mais, Madame, sans reprocher le passé, que résolvez-vous pour le présent? - Que je verrai le prince, et que pour avoir plus de liberté de le faire, je traiterai Acmar avec moins de dureté, et lui laisserai espérer que sa constance pourra m'obliger à quelque retour.» Comme elle achevait de parler, le hacha entra, qui pénétré de la crainte de lui avoir déplu, venait lui demander pardon de son emportement. Isthérie, dans l'espérance qu'un peu de douceur lui ferait voir son amant, reçut ses excuses avec moins de fierté; et ce crédule amant, charmé, lui dit qu'il avait un esclave qui avait un génie tout particulier pour les parterres; qu'il lui en ferait tracer un à la persane sous ses fenêtres. « J'aurais grande envie de voir travailler cet homme, reprit Isthérie, et vous me ferez plaisir de m'en donner la liberté. - Vous êtes libre dans tout le palais intérieur, Madame, lui dit l'amoureux hacha, et tout est ici sous vos lois. Commandez tout ce qu'il vous plaira, sans craindre que l'on vous refuse, que la liberté de m'abandonner.» En achevant de parler, il présenta la main à cette aimable Persane, pour descendre dans les jardins, et la conduisit où travaillait le prince. Si Fatime n'avait couru lui annoncer son bonheur, il n'aurait pu s'empêcher de donner des marques de sa joie; mais cette habile esclave ayant devancé sa maîtresse, lui donna le temps de se remettre. « Soliman, lui dit le bacha, voilà la souveraine de ce palais, obéissez-lui dans tout ce qu'elle voudra vous ordonner. - Seigneur, lui répondit le prince, sans oser regarder Isthérie, je fais mon unique affaire de vous plaire; et dès que vous m'ordonnez d'obéir à cette dame, je le ferai, jusqu'à lui sacrifier ma vie. - Je ne vous demanderai point de services si violents, reprit l'aimable Persane ; celui de me tracer sous mon appartement un parterre semblable à ceux du sérail du Sophi, sera le plus pénible où je vous emploierai. - J'espère que je réussirai si bien au premier ordre que vous me faites la grâce de me donner, dit le faux Soliman, que j'en mériterai quelques louanges.» Après cela, Isthérie pria le sultan de continuer de se promener, de peur qu'une plus longue conversation ne fit soupçonner quelque chose ; et après avoir beaucoup loué la magnificence de ces beaux lieux, elle se retira à son appartement. Elle n'y passa pas la nuit sans parler de son amant avec Fatime; et le matin, dès que le soleil fut levé, elle ouvrit ses fenêtres, et vit ce prince déjà occupé à son travail. Comme il était seul en ce lieu, qu'il était si matin, qu'à peine distinguait-on la lumière d'avec les ténèbres, Isthérie lui fit signe de s'avancer; où, pendant que la fidèle Fatime était sur les avenues de l'appartement, pour n'être point surpris, nos deux amants se dirent tout ce que l'amour fait sentir de plus tendre dans les cœurs bien touchés de ses traits. Après avoir donné quelques moments à leurs premiers transports, ils songèrent comment ils pourraient faire pour se tirer des mains du cruel hacha. Ils résolurent que Soliman donnerait de l'argent à quelqu’un des siens pour racheter sa liberté, avec ordre de les avertir du premier vaisseau marchand qui serait prêt de faire voile pour la Perse; que la belle Isthérie irait se promener tout le jour sur le bord de la mer, qui flottait autour d'une grande terrasse au bout des jardins; et qu'au moment favorable, ils descendraient avec une échelle de corde, dont Soliman aurait soin de se fournir. Fatime, qui vint dans cet instant les avertir qu'elle voyait paraître quelques esclaves, fit cesser leur conversation. Le prince impatient d'avancer son bonheur, fut chercher les gens entre tous ceux qui avaient subi le sort de l'esclavage avec lui, qu'il crut les plus capables d'exécuter son dessein. Tout réussit comme nos amants le souhaitaient, et ils sortirent des mains du hacha quinze jours après leur entretien. Mais à peine goûtaient-ils le plaisir d'être en liberté que leur vaisseau fut attaqué par des corsaires, qui étant beaucoup plus forts qu'eux, malgré la généreuse résistance du prince, les contraignirent de se rendre, et leur donnèrent de nouveaux fers. La beauté d'Isthérie donna envie à ces mercenaires de la conduire à Constantinople, pour la présenter au Grand Seigneur. C'est ce qui leur fit mépriser les propositions que le malheureux prince leur fit de leur payer pour cette belle personne, et pour lui, telle rançon qu'ils voudraient. Ils ne changèrent point de dessein; et après un long voyage, votre aimable sueur fut renfermée dans le sérail du Grand Seigneur, sans espérance de revoir jamais son cher prince. Elle y passe ses jours infortunés à se plaindre, pendant que son malheureux amant, qui a été vendu au grand vizir, cherche en vain les moyens de la voir encore une fois en ses jours. Je ne vous ai point parlé de la rage du hacha quand il apprit la fuite d'Isthérie; j'ai cru que vous pouviez aisément la comprendre, et que je vous ferais plus de plaisir de ne pas vous laisser plus longtemps ignorer le lieu qu'habitait cette infortunée Persane. - Je vous remets, dit Zayde, à un autre temps, je serai plus sensible à de si cruelles aventures; mais je vous avoue que le plaisir de savoir vivante une sueur que l'on a pleurée si longtemps me rend plus capable de donner dans ce moment des soupirs à ses infortunes. Je vais m'intéresser à tout ce qui arrivera de fâcheux ou d'agréable à Constantinople, et je vous serais redevable si vous vouliez m'apprendre tout ce qui s'y passera de secret. - Je puis vous satisfaire, reprit l'obligeant sylphe ; et le détrônement du Grand Seigneur m'en donnera une triste matière.

     

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